Un joob au paradis
Étude urbaine concernant la réhabilitation de la rivière Darband à Téhéran, Iran
Grand Prix de l'Union
Internationale des
Architectes 2005
Téhéran aujourd’hui est une immensité dans un espace fermé. Cette métropole de 12 millions d’habitants coincée entre la montagne et le désert a totalement envahi son environnement naturel. Elle ne connaît que les limites de la nature sauvage, du haut de la montagne, au plus loin dans le désert.
Positionnement :
La ville n’a pas d’égout et ses eaux usées ont fait remonter la nappe phréatique de sorte qu’au niveau des terrains agricoles du sud de la ville la nappe affleure le sol et forme des vastes marécages insalubres.
Face à la globalité d’une telle situation, cette étude met en valeur plus spécifiquement l’eau blanche, celle issue de la fonte des neiges, celle de l’abondance dans un pays où il ne pleut pas, celle qui coule vers le désert et qui, à son simple contact avec la ville se pollue.
A Téhéran il pleut rarement et la seule eau dont dispose le pays est celle issue de la fonte des neiges.
Le site :
Un « envers de ville », un fil d’eau qui court derrière les maisons, ignoré par la population et la ville. C’est un Massile, (un lieu de débordement), sorte de rivière urbaine qui draine pêle-mêle les eaux de ruissellement , les eaux des Ghanats et les eaux issues de la fonte des neiges tel qu’on en oublie que l’eau noire qui coule dedans est celle-là même qui venait des montagnes blanches du nord de la ville. Le projet s’attachera particulièrement à révéler le potentiel créatif de ces rivières.
Dans un tel contexte, opérer la distinction des eaux semble donc être de première logique. Dissocier : les eaux issues directement de la fonte des neiges par la construction d’ouvrages dans l’épaisseur actuelle des rivières. Faire de ces rivières un système d’acheminement des eaux issues de la fonte des neiges, du nord de la ville jusqu’au pied du désert ne suffit pas.
La ville fait trente kilomètres de long et il n’est guère envisageable que cette eau puisse traverser la ville sans en être affectée. Elle doit à son passage se nettoyer des impuretés qu’elle récolte, s’auto-purifier en somme. Il nous faut imaginer un système de lagunage écologique (bassins à macrophites) qui permettra à l’eau « blanche » de couler à la surface de la ville, de s’offrir comme substance d’agrément, par sa présence, sa fraîcheur et ses sonorités.
Une ligne d’écriture urbaine :
Il s’agit de tirer profit de chaque goutte d’eau en faisant de ces rivières des parcs linéaires qui traversent la ville telle une ligne d’écriture urbaine où l’ensemble des situations traversées seraient re-qualifié à sa rencontre. Ces rivières constituent une offrande, l’ultime générosité de la nature à la ville. Aujourd’hui ces rivières sont un envers de ville, des lieux magnifiques mais nauséabonds. Pourtant lorsqu’elles quittent la ville et rejoignent la montagne, elles se transforment en motifs de randonnée pédestre, lieux privilégiés de flânerie et de promenade. A travers un parc linéaire conjoint au parcours de l’eau, il s’agit de faire descendre ce parcours ascensionnel vertical, véritable épine dorsale dans la ville, pour apporter la flânerie, le rêve et la fantasmagorie, espace du possible dans cette mégalopole moderne. L’eau et le jardin. Cette situation est un prétexte pour créer un parc dans la ville, fondé sur un dispositif hydraulique. L’objectif n’est pas tant technique, mais des raisons techniques rendent financièrement légitime la construction d’un parc linéaire.
Une esthétique de la transformation :
Sa linéarité et sa faible épaisseur en font un espace poreux qui s’imprime des lieux qu’il traverse ; il est fait de ce qu’il rencontre, c’est pour cela qu’il induit par sa transformation la mutation des espaces qu’il croise. En ce sens la rivière constitue un puissant vecteur de transformation et de mutation urbaine.
Notre travail consiste à reconnaître, hiérarchiser, classer, éliminer les composants de ces territoires traversés puis à les transformer en fonction de nécessités nouvelles .Tout reste là, mais chaque chose change. Pas de composition mais une structure dans les structures existantes et une transformation de ces structures. Il s’agit ici de s’inscrire dans le paysage existant. La rivière par sa transformation interroge les espaces traversés pour les réécrire à l’encre de sa nouvelle situation.
Grand Prix de l'Union
Internationale des
Architectes 2005